Psychologie
Laura Lizama
23 oct. 2025
Pourquoi continuer à crever en silence ?
Quand ton corps te supplie de t’arrêter mais que tu l'ignores...
Quand ton corps te supplie de t’arrêter : pourquoi continuer à crever en silence ?
🥹Le rituel des larmes que je connais trop bien
Ça commence toujours pareil. La personne s’assoit en face de moi, esquisse un sourire poli et me dit d’une voix posée : « Je voudrais travailler ma communication, apprendre à dire non, mieux m’affirmer au travail. »
Puis je pose LA question : « Et sinon, comment te sens-tu en ce moment dans ton job ? »
Et là, BAM. Les larmes. Pas des petites larmes d’émotion. Non. Les vraies. Celles qui débordent, celles qui témoignent d’une digue intérieure qui a tenu, tenu, tenu… et qui lâche enfin.
Deux fois sur trois, les personnes que je coache pleurent dès la première séance quand elles me racontent leur mal-être au travail.
« Je ne me sens pas bien du tout dans ce travail. »
« Si je continue comme ça, je vais être très malheureux·se. »
« Je sens que je vais craquer complètement. »
Et pourtant. Pourtant, quand je leur demande s’ils ou elles envisagent de s’arrêter, même temporairement, la réponse fuse, presque mécanique :
« Non. Je ne peux pas. »
La put*** de culpabilité qui te tue à petit feu
Pourquoi ? Ah, les raisons sont toujours les mêmes, gravées au fer rouge dans leur esprit :
« Je ne peux pas laisser mes collègues dans la merde. »
« Si je m’arrête, ils vont devoir assumer ma charge de travail en plus de la leur. »
« Qu’est-ce qu’on va penser de moi ? »
« Je ne suis pas si mal que ça, je ne suis pas en dépression. »
« Il y a encore des aspects du job que j’aime, alors ça va, je peux tenir. »
Tu vois le problème ? Tu te détruis mais tu culpabilises à l’idée de prendre soin de toi. Tu te noies, mais tu t’inquiètes de mouiller le bateau en essayant de remonter à bord.
Et oui, évidemment, entre les collègues que tu apprécies et ces quelques tâches qui te font encore vibrer, tu arrives à remettre des pièces énergétiques dans ta batterie. Sauf que. Ta batterie se décharge bel et bien. Pire encore, tu la détériores jusqu’à ce qu’un jour, elle ne se recharge plus du tout.
💪🏽Ce poison nommé « Sois fort »
On a tous été élevés avec cette injonction toxique : « Sois fort. »
Ne montre pas ta faiblesse. Ne te plains pas. Serre les dents. Garde la tête haute. Continue d’avancer. Si personne ne voit que tu vas mal, c’est que tu n’es pas vraiment malade.
Cette éducation du déni émotionnel nous a conditionnés à croire qu’une souffrance psychique n’est pas légitime si elle n’est pas visible. Pas de plâtre ? Pas de pansement ? Alors tu n’es pas vraiment blessé·e.
Et cette société dans laquelle on baigne – cette société qui valorise la performance, la productivité, le « toujours plus » – ne fait qu’amplifier ce message pervers. On accepte les maladies visibles, on compatis pour une jambe cassée, on s’inquiète pour un cancer (d'ailleurs, comment s'est-il installé tu crois ?). Mais la détresse psychologique, l’épuisement professionnel, le burn-out ? Ça, on le relègue à la case « faiblesse personnelle » ou « manque de résilience ».
Pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes.
En 2012, la souffrance psychique au travail touchait plus de 3 femmes actives salariées sur 100 et plus de 1 homme actif salarié sur 100 en France. Et ces chiffres ont considérablement augmenté depuis. Des études scientifiques montrent que 60 à 65% des causes du burn-out proviennent de l’organisation du travail, et seulement 30 à 35% viennent de facteurs personnels.
Alors arrête de croire que c’est de ta faute. Arrête de penser que tu es « faible » parce que tu n’arrives plus à tenir.
😡 Le corps et l’esprit : cette connexion qu’on refuse de voir
Tu te souviens de l’expression latine « Mens sana in corpore sano » (un esprit sain dans un corps sain) ? On l’a tellement répétée qu’on l’a vidée de son sens. On l’a remisée au placard, comme si c’était juste un joli dicton de grand-mère.
Mais c’est prouvé. Scientifiquement. Depuis des siècles.
Des chercheurs de l’Inserm ont découvert que le cortisol, l’hormone du stress, influence directement les neurones du système nerveux entérique, ce qui explique les troubles digestifs développés suite à un stress important. Ton corps ne ment pas. Tes migraines, tes douleurs au ventre, tes insomnies, tes tensions dans le dos ? Ce n’est pas « dans ta tête ». C’est dans ton corps parce que c’est d’abord dans ta tête.
L’approche psychosomatique, cette discipline qui étudie l’interaction entre l’esprit et le corps, nous le rappelle : le stress chronique peut entraîner des troubles intestinaux, des douleurs musculaires et des maladies cardiovasculaires, car la libération d’hormones liées au stress comme le cortisol provoque des inflammations dans le corps.
Le syndrome d’épuisement professionnel se manifeste par un épuisement physique, mental et émotionnel dû à des situations de stress qui dépassent les capacités d’adaptation de l’individu. Ce n’est pas juste « un peu de fatigue ». C’est un effondrement global.
🛑 Le burn-out : quand ton corps dit « STOP » à ta place
Selon le chercheur Truchot, l’épuisement professionnel est associé à des réactions émotionnelles comme l’angoisse et la dépression, des réactions cognitives comme les difficultés à se concentrer, des réactions motivationnelles comme la perte d’intérêt pour son travail, des réactions comportementales comme l’isolement et le cynisme, et des réactions physiologiques qui nuisent à la santé et à la qualité de vie.
Laisse-moi te traduire ça concrètement : tu ne dors plus. Tu te réveilles fatigué·e. Tu n’arrives plus à te concentrer. Tu pleures pour un rien. Tu deviens irritable. Tu t’isoles. Tu perds le goût de tout, même des choses que tu aimais avant. Ton corps te fait mal partout.
Et tu continues. Parce qu’on t’a appris à continuer.
Le psychothérapeute Thomas Périlleux décrit le burn-out comme un phénomène dans lequel le corps finit par s’effondrer, les personnes touchées rapportant souvent une perte d’élan et d’énergie, signalant un point de rupture après une longue période de négligence des signaux d’alerte.
Tu vois, ton corps t’envoie des signaux depuis des mois. Mais tu les ignores. Tu les minimises. Tu les étouffes sous le travail, sous les obligations, sous la culpabilité.
Jusqu’à ce que ton corps te force à t’arrêter. Et crois-moi, quand il le fait, c’est rarement en douceur.
👨🏽🦱 Managers, RH, dirigeants : vous aussi, vous êtes concernés
Et toi, qui manages des équipes. Toi qui presses tes collaborateurs comme des citrons pour atteindre tes objectifs. Toi qui applaudis celui ou celle qui reste tard le soir et qui ne prend jamais de vacances.
Tu participes activement à ce système toxique.
Non, je ne dis pas que c’est facile d’être manager. Oui, tu as toi aussi des objectifs à tenir, une pression à gérer. Mais ta responsabilité est immense.
À l’Assemblée nationale française, l’ancien rapporteur sur les risques psychosociaux a déclaré qu’entre le constat d’une dépression et le constat d’un épuisement professionnel il y a un monde, car le burn-out n’est pas lié à un tempérament prédisposé, c’est le résultat d’une certaine organisation du travail.
Tu comprends ? Ce n’est pas la personne qui est « faible ». C’est l’organisation du travail qui est toxique.
Alors quand ton collaborateur te dit qu’il n’en peut plus, ne lui réponds pas : « Allez, courage, tu vas y arriver. » Ne le force pas à rester. Ne le culpabilise pas. Ne minimise pas sa souffrance.
Parce qu’il ou elle est en train de te dire : « Je suis en danger. »
⏰ Combien de temps pour récupérer ? Plus longtemps que tu ne le penses
Tu crois qu’un burn-out, ça se soigne avec deux semaines de vacances à la plage ? Laisse-moi te ramener à la réalité.
Dans les cas de burn-out grave, certains chercheurs suggèrent que le rétablissement peut prendre entre un et trois ans. Oui, tu as bien lu. Trois ans.
Pour beaucoup de spécialistes, la récupération après un burn-out peut s’étendre d’un minimum de trois mois jusqu’à trois ans dans les cas les plus sévères.
Pourquoi si longtemps ? Parce que ton corps et ton esprit ont été traumatisés. Des recherches indiquent que certaines hormones sont profondément perturbées en cas de syndrome d’épuisement, et restaurer un équilibre hormonal nécessite une période significative de récupération.
Ce n’est pas juste de la fatigue. C’est un bouleversement complet de ton système.
🛌🏽 Se reposer n’est pas une option. C’est une NÉCESSITÉ.
Alors, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? On continue à nier ? On continue à se dire « ça va passer » ? On continue à culpabiliser de vouloir prendre soin de soi ?
❌Non. Stop. Ça suffit.
Voici ce que tu dois comprendre, graver dans ton esprit et dans ton cœur :
1. Prendre soin de toi n’est PAS égoïste
Tu n’es utile à personne si tu t’effondres. Tes collègues, ta famille, tes amis : ils ont besoin de toi en bonne santé. Pas en zombie épuisé qui tient à peine debout.
2. Ta santé mentale est AUSSI importante que ta santé physique
Tu ne te sentirais pas coupable de t’arrêter pour une grippe ou une appendicite, non ? Alors pourquoi tu culpabilises pour ton épuisement psychique ?
Des données montrent qu’environ 80% des consultations en soins primaires résultent d’une détresse émotionnelle. Le lien entre santé mentale et santé physique est indéniable.
3. Le respect de soi vient AVANT l’appréciation des autres
Tu cherches à être apprécié·e au travail ? C’est légitime. Mais avant d’être apprécié·e, tu dois être respecté·e. Et le premier respect, c’est celui que tu te dois à toi-même.
Tu mérites un environnement de travail où tu peux t’épanouir sans te détruire. Tu mérites des conditions qui te permettent de vivre, pas juste de survivre.
➡️ Des techniques concrètes pour oser enfin te reposer
Si tu es en train de lire cet article et que tu te reconnais, voici quelques premières actions concrètes que tu peux mettre en place maintenant :
🚨 Reconnais les signaux d’alerte
Le questionnaire Need For Recovery évalue le besoin de récupération après une journée de travail, qui se manifeste non seulement par des symptômes physiques, mais également par un sentiment d’irritabilité, de retrait social et de manque d’énergie.
Pose-toi ces questions :
Est-ce que je pense déjà au travail dès le réveil ?
Est-ce que j’ai du mal à me détendre le soir ?
Est-ce que je me sens irritable sans raison apparente ?
Est-ce que j’ai perdu le plaisir dans mes activités habituelles ?
Si tu réponds oui à plusieurs de ces questions : tu as besoin de repos. Maintenant.
✅ Donne-toi la permission de t’arrêter
Consulte un médecin. Explique-lui ta situation. Ne minimise pas. Un arrêt de travail n’est pas un échec, c’est une nécessité médicale.
Lorsque tu souffres d’un surmenage sévère, quelques jours de repos ne sont parfois pas suffisants pour reprendre de la force, tu as parfois besoin de plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour pouvoir recharger tes batteries.
🤸🏽 Reconnecte-toi avec ton corps
Après un burnout, il est indispensable de se reconnecter avec son corps par le sport, les soins de bien-être, les massages, le repos.
Commence petit :
Une promenade de 15 minutes par jour
Quelques exercices de respiration
Un moment de détente sans écran
Une activité créative qui te fait du bien
👩🏽⚕️ Fais-toi accompagner
Les accompagnements thérapeutiques comme la thérapie cognitivo-comportementale, la sophrologie ou l’hypnose sont des outils clés pour le traitement du burn-out.
Un psychologue spécialisé en burn-out peut t’aider à :
Identifier les mécanismes qui t’ont mené·e là
Reconstruire ton estime de toi
Apprendre à poser des limites
Redéfinir ton rapport au travail
⏰ Repense ton rapport au travail
La recherche clinique indique qu’une proportion non négligeable de personnes ayant subi un burnout encourent un risque accru de récidive si elles reprennent leur activité sans modification de leurs habitudes ou de leurs conditions de travail.
Demande-toi :
Qu’est-ce qui est négociable dans mon travail actuel ?
Quelles sont mes véritables priorités de vie ?
Est-ce que ce job correspond encore à mes valeurs ?
Qu’est-ce que je suis prêt·e à changer pour ne plus revivre ça ?
💌Un message d’espoir : tu peux t’en sortir
Je sais que tout ça peut sembler lourd, insurmontable même. Mais laisse-moi te dire quelque chose d’important :
Tu peux t’en sortir. Tu vas t’en sortir.
Les personnes que j’accompagne, celles qui arrivent en pleurs à la première séance, elles se reconstruisent. Doucement, à leur rythme. Elles apprennent à s’écouter, à se respecter, à poser des limites. Elles retrouvent l’énergie, la joie, le sens.
Mais pour y arriver, il faut d’abord accepter une vérité fondamentale :
Tu ne peux pas prendre soin des autres si tu ne prends pas soin de toi d’abord.
Ta santé mentale n’est pas un luxe. Ce n’est pas un « nice to have » qu’on s’offre quand tout le reste est réglé. C’est la fondation de ta vie. Sans elle, tout s’écroule.
Alors oui, tes collègues devront peut-être gérer plus de travail pendant ton absence. Oui, certaines personnes ne comprendront peut-être pas. Oui, tu auras peut-être l’impression de « lâcher » ton équipe.
Mais tu sais quoi ? Ce n’est pas ton problème.
Ton problème, c’est de survivre. De te reconstruire. De réapprendre à vivre sans cette boule d’angoisse permanente dans le ventre.
💟 Le mot de la fin
À toi qui lis ces lignes et qui te reconnais dans ces mots. À toi qui pleures en silence, qui serres les dents, qui continues malgré tout.
Arrête-toi.
Juste quelques instants. Pose ta main sur ton cœur. Respire. Et dis-toi cette phrase à voix haute :
« Je mérite de prendre soin de moi. »
Répète-la. Encore. Jusqu’à ce que tu y croies vraiment.
Parce que c’est vrai. Tu le mérites. Tu mérites de te reposer. Tu mérites d’aller bien. Tu mérites de vivre, pas juste de survivre.
Ta santé mentale compte. Ton bien-être compte. Tu comptes.
Alors s’il te plaît, écoute ce que ton corps essaie de te dire depuis des mois. Donne-toi la permission de ralentir, de t’arrêter, de guérir.
Parce qu’au final, la seule personne qui peut vraiment prendre soin de toi, c’est toi.
Et crois-moi : tu en vaux la peine.
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